Je ne sers plus à rien

Comment se réinventer quand vos enfants volent de leurs propres ailes ?

Laurence, 47 ans, 4 enfants, mère au foyer.

Son fils Quentin (24 ans) étudie la médecine à Louvain. Sa fille, Joséphine (22 ans) la littérature à Namur, ses jumeaux, Philippe et Louise (18 ans) viennent de commencer la kinésithérapie respectivement la comptabilité à Liège.
Laurence est décomposée, elle s’ennuie terriblement et broie du noir.
Depuis qu’elle est maman, elle est habituée à courir dans tous les sens, à faire le ménage, à ranger les chambres des enfants, à cuisiner pour un bataillon, à repasser la multitude de t-shirts, jeans et chemises que sa tribu lui laisse quotidiennement, à faire les courses et à aider ses « petits » pour les devoirs. Son mari occupant un poste important dans une grande banque de la Place consacre tout son temps à ses lectures et rapports.

Ces dernières années déjà, elle s’est rendu compte qu’elle avait moins à faire, étant donné que ses 2 grands n’habitaient plus la maison familiale durant la semaine.
Mais, depuis que les jumeaux ont quitté le nid pour se retrouver en kot à 200 km de la maison, Laurence tourne en rond. Elle se sent inutile et n’arrive plus à s’occuper l’esprit. Elle n’a aucun hobby particulier, ne pratique pas de sport et n’a pas beaucoup de copines, si ce n’est ses 2 chères voisines, toutes deux occupées à temps plein dans le secteur financier

Un jour, « obligée » par ses amies, Laurence m’appelle. Nous prenons RDV en janvier pour un bilan d’image.
La personne qui sonne à ma porte est grande, brune avec une repousse grise d’un bon cm, non maquillée, habillée d’un pantalon noir, d’un pull à col roulé noir et chaussée de bottines noires. Seul accessoire non noir : son sac. Il est gris.

Je l’accueille chaleureusement et avec une parole aimable j’arrive à lui arracher une esquisse de sourire. C’est toujours ça.
Elle commence à me raconter son histoire, à me décrire le vide qui l’envahit petit à petit et l’incompréhension de son mari, noyé dans son boulot.

Ses yeux s’embuent et des larmes ruissèlent sur sa joue légèrement rosée. Je ne veux pas l’interrompre, car la souffrance qu’elle ressent doit s’exprimer. Après quelques minutes, elle se reprend, se fond en excuses et réaffiche l’air sérieux qu’elle adoptait à son arrivée.

Avoir une bonne image de soi est crucial pour se sentir bien. Après avoir longuement discuté toutes les deux, je lui conseille de se recentrer sur elle-même, de chercher des activités qui pourraient l’intéresser. Nous fixons un autre RDV pour la semaine suivante.
Elle n’arborait déjà plus cette tenue noire monochrome qui la rendait fort triste, mais au contraire une robe, certes encore sombre, mais rehaussée d’un foulard rouge qui lui donnait meilleure mine. Elle avait suivi mes conseils et s’était maquillée, légèrement, j’en conviens, mais c’était un ef

fort appréciable. Je fus ravie de constater que durant la semaine écoulée, elle était également passée chez le coiffeur.L’ayant félicitée pour ce changement d’image, elle arbora un sourire bien marqué. Je la sentais déjà plus décontractée et avec un meilleur moral.
Comme « devoir », je lui avais demandé une liste de centres d’intérêt : course à pied, peinture, sculpture, Nordic walking et scrap-booking en faisaient partie. Pour une qui n’avait aucun hobby, j’ai trouvé sa liste très complète. Elle m’avoua, qu’ayant consacré toute sa vie à ses enfants et son mari, elle s’était toujours effacée et interdit la moindre envie.

Lors de notre troisième entrevue, Laurence était méconnaissable. Elle avait acheté quelques accessoires de couleur et portait une jolie veste de laine sur un chemisier blanc ligné. Ses nouvelles coupe et couleur de cheveux lui allaient à ravir, elle portait du rouge à lèvre, un fard à paupière discret, de l’eye-liner et du mascara. Elle avait pris contact avec un moniteur de sport et un atelier de peinture.
A notre prochaine séance, notre « nouvelle » maman avait déjà été courir 2 fois, elle avait assisté à son premier atelier de scrap-booking et avait consacré 2 heures de son WE au Nordic walking avec une de ses voisines. Elle m’annonça son agenda de la semaine suivante et je fus heureuse d’entendre qu’elle avait une activité différente chaque jour.